Roya Expansion Nature
Association agréée le 4 août 1994
15, rue des anciens combattants
06540 Saorge
email : assren@hotmail.fr
&
Union Régionale Vie et Nature
60 rue st ferréol 13001 MARSEILLE

A l’attention de
Monsieur Stéfan Leiner
Chef d’Unité f.f.
Commission Européenne
Direction Générale Environnement
Direction B – Nature
ENV.B.3 – Natura 20000
B-1049 Bruxelles Belgique

Saorge, le 3 août 2010

Objet : Notre réponse à votre courrier ENV B.3 D(2010) SYB-2010-AAO 750 –
Demande d’évaluation d’incidences sur les 5 sites Natura 2000 de la vallée de la Roya

Monsieur,

Nous avons bien reçu votre courrier du 15 avril 2010 en réponse à notre demande d’évaluation d’incidences sur les sites Natura 2000 de la vallée de la Roya concernant le doublement du tunnel du Col de Tende.

Nous avons depuis obtenu des informations supplémentaires qui nous paraissent essentielles quant à la nécessité de faire procéder à une évaluation d’incidences :

– Lors de l’étude d’impact du tunnel de Tende (2006-2007), aucun des sites Natura 2000 n’a été pris en compte ;
– Trois rapports émanant de services scientifiques mettent en évidence les dangers dans lesquels se trouve la biodiversité dans la vallée de la Roya ;
– Un rapport du Setra met en évidence l’impact des routes sur les chiroptères, espèces prioritaires de 4 des 5 sites Natura 2000 de la vallée de la Roya ;
– Un rapport d’un agent de l’environnement sur les impacts des aménagements routiers dans les gorges, en particulier dans la vallée de la Roya et dans les gorges du Cians ;
– Les perspectives de majoration de trafic au Col de Tende suite au doublement du tunnel (extraites de l’étude d’impact sur les aménagements prévus au Col de Tende) ; les statistiques de circulation à Vintimille, où commence la RD 6204.

Nous allons les évoquer successivement ci-dessous.

I. Lors de l’étude d’impact des aménagements au Col de Tende (2006-2007), aucun des sites Natura 2000 n’a été pris en compte. Or le site à chauve-souris de Breil a été proposé comme SIC en mars 1999, donc bien avant l’étude d’impact. Le site du Mont Chajol, dont les Pins Cembro sont attaqués par l’ozone, a été proposé comme SIC en avril 2002. Le site de la Bendola était déjà en projet (il a été proposé comme SIC en octobre 2005), et même si il n’avait pas encore été désigné, il était en projet et nécessitait donc une évaluation. Dans le site de la Bendola, comme dans celui de Breil, les chauves-souris ont une grande importance. Or les impacts de l’ozone et des gaz à effet de serre sur ces espèces (ni sur aucune espèce) n’ont jamais été étudiés. Nous estimons qu’il y a là une erreur manifeste de la France envers la Directive Habitats puisque le projet est bien susceptible d’avoir un impact sur elles tout comme sur la végétation (voir plus loin). Il y a donc eu un défaut d’évaluation d’incidences sur les habitats et les espèces de ce site lors de l’étude d’impact.

II. Le rapport 2009 sur la qualité de l’air en région Provence Alpes Côte d’Azur dont dépend le département des Alpes Maritimes vient d’être publié. Ses conclusions concernant l’ozone dans les Alpes Maritimes sont édifiantes.
http://www.atmopaca.org/files/ba/bilan_annuel_2009_HD.pdf
http://www.atmopaca.org/files/ba/synthese_gd_public_2009_HD.pdf
Il souligne que «La région paca reste la plus touchée de France par la pollution photochimique, et l’écart avec les autres régions françaises demeure toujours aussi important. Le nombre moyen de jours/an avec au moins un dépassement du seuil de recommandation pour l’ozone (180 mg/m3) indique qu’entre 2000 et 2009, la région paca a plus du double de jours de dépassement (44,7 jours) que la seconde région de France la plus touchée (Rhône-Alpes, 21,5 jours). Le seuil d’alerte européen (240 mg/m3 sur 1 heure) a été dépassé 3 fois en paca en 2009. L’ozone a une part très importante (46%) de responsabilité dans l’indice quotidien des polluants sur la région paca, en particulier de mai à septembre ».
Les données d’atmo-paca indiquent qu’il y a eu en 2009, sur le département des Alpes Maritimes, 6 jours de dépassements du seuil d’ozone nocif pour la santé humaine (180µg/m3 /h). En ce qui concerne les valeurs seuils pour la sauvegarde de la végétation, la station de contrôle d’Adréchas à Valdeblore a enregistré 76 jours de dépassement. Or la valeur à respecter pour 2010 est de 25 jours maximum ! Cette station, située à 30 kms à vol d’oiseau de Tende, reçoit, comme à Tende, les masses d’air chargées d’ozone remontant du littoral vers les sommets. L’ozone est un polluant qui provient essentiellement de l’oxyde d’azote émanant des gaz d’échappement qui se transforme sous l’action du rayonnement solaire en polluant très nocif. La majoration du trafic engendrée par le doublement du tunnel de Tende va donc induire une augmentation supplémentaire d’ozone, qui va détériorer encore plus un environnement déjà fortement impacté.
Page 36 : « En situation rurale, les conditions sont plus favorables à la formation d’ozone. C’est pourquoi les stations d’Adrechas et de Cians enregistrent les niveaux les plus élevés. Mais ces sites d’altitude sont aussi soumis à la réalimentation constante en ozone dans la « troposphère libre » : ainsi les teneurs sont toujours plus élevées, même la nuit, notamment en cas de transfert de masse d’air pollué sur le littoral vers l’arrière-pays : à l’ozone local s’ajoute alors celui de la masse d’air pollué».

Notre interprétation de cette étude nous amène à penser que toute augmentation de circulation dans la vallée de la Roya aura une incidence d’autant plus nocive qu’elle vient s’ajouter à l’augmentation constante de la circulation sur le littoral, notamment au point de passage de Vintimille, où le trafic routier explose d’années en années (voir tableau).

III. Le rapport du GIEFS, Groupe International d’Etudes des forêts sud-européennes, publié dans la revue Pollution atmosphérique n° 188 d’octobre décembre 2005, met en évidence l’impact de l’ozone sur, entre autres, l’habitat prioritaire « Fourrés à Pins Cembro » du site Natura 2000 de la vallée de la Roya « Mont Chajol ».

Voici le résumé littéral de l’étude « Etat des forêts d’altitude en relation avec la pollution de l’air par l’ozone dans la région niçoise » :
« Durant de longs mois, les pays bordant la Méditerranée sont soumis à des concentrations élevées en ozone près des grandes agglomérations. Dans le sud-est méditerranéen français, la problématique des effets de l’ozone sur la végétation a été abordée au cours des années 2002 à 2004. Ces travaux ont montré le réel impact de ce polluant sur la végétation. Des
observations spécifiques de symptômes liés à l’ozone ont révélé des dégâts bien visibles notamment sur le Pin cembro du Mercantour. Les mesures de l’ozone, nécessitant l’emploi d’analyseurs physico-chimiques et de capteurs passifs, ont montré de forts taux d’AOT 40. Des corrélations ont été établies entre les niveaux élevés d’ozone et la gravité des atteintes foliaires. Ponctuellement, les flux de pollution ont été suivis pour l’interprétation de symptômes bien visibles sur la végétation. Une reconstitution des trajectoires et profils des mouvements aériens et donc des polluants a été réalisée au moyen de lâchers
de ballons afin de définir les caractères de la ventilation. Parallèlement, un projet de modélisation a été élaboré dans la région niçoise afin de vérifier, pour un épisode météorologique particulier, si une part des concentrations de polluants constatées
sur la zone alpine était liée aux polluants émis sur la frange littorale où se concentre la majorité des activités humaines ».

Le rapport du GIEFS poursuit page 13 : « Cette étude a permis de montrer que si la principale
source de pollution est le milieu urbain (frange littorale méditerranéenne sud-est), l’ozone et ses précurseurs ont pu se déplacer sous l’effet des courants atmosphériques vers les milieux ruraux et en montagne, dans le Mercantour, à quelques dizaines voire quelques centaines de kilomètres. C’est dans ces régions que les arbres et les végétaux sont les plus exposés à cette forme de pollution. Les milieux naturels et les forêts proches des grandes agglomérations de
Nice, Cannes et Monaco sont d’autant plus confrontés à la pollution par l’ozone que la région est fortement ensoleillée et dispose d’une frontière naturelle montagneuse, en l’occurrence le massif du Mercantour aspirant par le jeu des brises thermiques diurnes, les masses d’air polluées qui se développent sur le littoral. »

Le rapport du GIEFS indique dans sa conclusion : « Cette étude a permis la confirmation du rôle de l’ozone comme élément d’affaiblissement dans l’état de santé des arbres d’altitude. Il a agi avec les perturbations climatiques et les facteurs édaphiques, comme un cofacteur de fragilisation des arbres. Mais ces derniers n’étaient pas seuls concernés par ces atteintes. Le suivi de l’ensemble de la végétation a conforté l’impact de l’ozone sur la végétation arbustive ou herbacée. Parmi les essences les plus sensibles ou développant des symptômes caractéristiques d’atteinte par l’ozone, se retrouvaient, le noisetier, l’épilobe, le saule, le mûrier, le géranium des bois, les cytises, les sureaux, les rumex ou encore les myrtilles ».

Au-delà des impacts de l’ozone sur le Mont Chajol, le Parc National du Mercantour a édité des brochures d’information sur les dégâts causés à la végétation de l’ensemble du Parc par l’ozone, nous vous en joignons un exemplaire.

IV. Le rapport des entomologistes Frédéric Billi, Thierry Varenne et Claude Tautel sur les papillons de la Haute-Roya
Vous trouverez en annexe copie d’un courrier que nous ont adressé ces entomologistes en février 2009. Ils y mentionnent une liste de presque mille espèces de papillons présents sur ce secteur, dont 4 espèces de papillons protégées au niveau national. Ils écrivent : « Le site est déjà fragilisé par une circulation intense, doubler celle-ci ou imaginer de nouvelles infrastructures ou une installation de travaux routiers, serait très nuisible à la préservation de ce trésor naturel ».

V. Le rapport du Setra (Service d’Etudes sur les transports, les routes, et leurs aménagements) 2008 sur l’impact des routes sur les chiroptères, espèce prioritaire de 4 des 5 sites Natura 2000 de la vallée de la Roya, indique page 15 que « Certaines espèces sont particulièrement lucifuges (fuyant la lumière), les Oreillards et les Rhinolophes notamment. L’éclairage des infrastructures et la lumière des phares peut ainsi constituer, dans certaines conditions, des barrières visuelles pour ces espèces ». Les 4 sites de la vallée de la Roya abritent tous des Rhinolophes.
Page 16 : « Les impacts du bruit et des vibrations de la route sont plus difficiles à évaluer mais il apparaît fort probable qu’ils s’ajoutent aux impacts de la lumière. Dans le cadre d’un suivi des déplacements des individus d’une colonie de Rhinolophes euryales3, il a ainsi été observé lors de la construction d’une autoroute à proximité d’un gîte une translation des domaines vitaux, dans la direction opposée à la route. Les Rhinolophes auraient emprunté des routes de vol plus longues mais qui ne nécessitaient pas un franchissement de l’autoroute. Cet effet « barrière » provoqué par la route induirait probablement un coût énergétique accrû pour chasser (Dadu, 2007 – [fiche n°56]).
En ce qui concerne la collision avec la circulation, une étude d’Arthur et Lemaire (1998 – [fiche n°37]), précise que « 15% des causes de mortalité des chauves-souris dans le Cher serait due aux collisions ». Ils comparent ce chiffre à une étude allemande dans laquelle ce taux est estimé
à 30% (Furmann et Kiefer, 1996 dans : Lemaire et Arthur, 1998 – [fiche n°37]).
Beaucoup d’auteurs considèrent ainsi que cet impact est très important, voire le plus important (Lemaire et Arthur comm. pers. 2008 ; CPEPESC Lorraine, comm. pers. 2008 ; Highways Agency, 2006 – [fiche n°51] ; Bickmore et Wyatt, 2006 – [fiche n°57] et 2003 – [fiche n°47] ; Lemaire et Arthur, 1998 – [fiche n°37]) mais il reste difficile à évaluer. »

VI. Evolution des flux de circulation au passage de Vintimille.

Le rapport LGVPaca-synthèse-RFF marchandises-nov 2004 indique qu’en 2004 le flux de camions à Vintimille était de 3500 PL/jour, et qu’il devrait être de 5300 PL/jour à l’horizon 2020 : « Ces flux connaissent une croissance rapide : on envisage une augmentation d’au moins 50% soit 5300 poids lourds par jour à l’horizon 2020, évolution qui pourrait être encore plus forte si la croissance enregistrée au cours des dernières années se poursuivait ». Et dans le résumé : « Le transit routier de la frontière Franco-italienne à Vintimille devrait continuer à évoluer de manière sensible jusqu’à l’horizon 2020 et au-delà ».
En ce qui concerne le trafic des véhicules légers, il est de 36 620 VL/jour au passage de Vintimille, un flux également en constante augmentation.
Ce taux de circulation fait de Vintimille le passage routier franco-italien le plus fréquenté, et d’autant plus dangereux que, la vallée de la Roya qui rejoint la mer à Vintimille, est un couloir pour l’ozone qui remonte vers les sommets.

VII. Prospective en 2015 de l’accroissement de la circulation dans l’étude d’impact du doublement du tunnel de Tende

A l’horizon 2015, avec le doublement réalisé, le trafic atteindrait 5410 véhicules/jour (actualisation de l’étude de trafic d’APS du CETE de mars 2006). En 2006, le taux moyen journalier annuel (tmja) au Col de Tende était de 3600 véhicules/jour. La majoration de trafic est donc estimée dans l’étude d’impact du doublement du tunnel à 1800 véhicules/jour en tmja à l’horizon 2015, soit à l’ouverture du second tube.
La même étude du CETE 2006 prévoit, avec le doublement réalisé, une moyenne annuelle de l’ordre de 310 poids lourds/jour en 2015. L’étude d’impact peut ainsi conclure que « les impacts en terme de nuisance dues à l’accroissement du trafic resteront cependant modérés, le trafic de poids lourds demeurant, même après aménagement, relativement marginal ».
Nous estimons pour notre part qu’il est vraiment regrettable que l’étude du CETE 2006 soit aussi peu rigoureuse. En effet, quand on s’aperçoit que les flux de camion au passage de Vintimille auront augmenté de plus de 50% entre 2004 et 2020, on ne peut considérer comme cohérente la prévision du CETE d’une circulation de seulement 310 poids lourds/jour au Col de Tende en 2015.

En ce qui concerne les véhicules légers, on constate que le taux de passage des véhicules légers (VL) au Col de Tende est déjà très lourd (3600 VL/jour): il est déjà plus important que celui des tunnels du Fréjus (2404 VL/jour) et du Mont Blanc (3201 VL/jour), ou du Col du Montgenèvre (2863 VL/jour). Ainsi dans l’étude d’impact, l’importance relative du trafic VL au Col de Tende, de l’ordre pourtant du dixième de celui (énorme) de Vintimille (36 620 VL/jour), ne semble pas apprécié à sa juste mesure, encore ne s’agit-il là que de moyennes et non des pointes de fin de semaine et d’été.

Nous pensons que seul l’état du tunnel actuel explique la relative stagnation du trafic VL depuis de longues années en Roya. La menace qui pèse sur les sites Natura 2000 de la vallée réside essentiellement dans l’essor à craindre du trafic VL pendulaire de fins de semaine et d’été dès l’amélioration du passage, ainsi que l’explosion du trafic PL, jugulés jusqu’ici par l’effet de dissuasion du tunnel actuel.

Il est écrit dans l’étude d’impact du projet de doublement, §2.5. Emission de polluants et consommation énergétique : « Le projet, par l’augmentation de trafic qu’il induit, entraîne une consommation énergétique et des émissions de polluants près de 15% supérieures, augmentant ainsi de près de 16% les coûts relatifs à la pollution atmosphérique et à l’effet de serre ».
Il est intéressant de constater que l’étude du CETE de mars 2006 précise que, sans l’aménagement prévu au Col de Tende, le trafic tant poids lourds que véhicules légers resterait quasiment stable à l’horizon 2015.

VIII. Impact des aménagements routiers dans les gorges

Les aménagements routiers réalisés dans la vallée de la Roya sur le tracé de la RD 6204 ont donné lieu à des impacts parfois irréversibles sur les écosystèmes. Un trafic supplémentaire engendrera inévitablement de nouveaux aménagements, la route dans la Roya française étant encore peu adaptée à d’importants flux de circulation. Dans ce contexte, nous vous présentons ci-dessous les observations d’un agent technique principal de l’environnement travaillant au Parc National du Mercantour :

« Les parois des gorges calcaires et permiennes (pelites ) sont des lieux refuges pour de nombreuses espèces endémiques rares dont l’aire de répartition est très restreinte, parfois limitée à une seule vallée, une seule station pour la France.
En premier lieu on trouve les espèces botaniques, surtout sur calcaire comme Potentilla saxifraga ; Sedum fragrans; Primula allionî ; Moehringia sedoides; Ballota frutescens, toutes endémiques.
La plupart de ces espèces ne subsistent que sur les parois non encore touchées par les travaux d’élargissement.
Une plante carnivore (Pinguicula longifolia ssp reichenbachiana) représente la seule station Française pour cette espèce, les parois humides en permanence nécessaires à sa survie pourraient s’assécher lors de travaux d’élargissement important et provoquer sa disparition.
De même, la présence de faune invertébrée endémique ou rare est limitée au seul tronçon de roche intacte, le milieu de vie ou écosystème des mollusques confinés à cette vallée comme Solatopupa psalorena ne se rétablit jamais dans les parois modifiées par l’action humaine, le support rocheux perdant définitivement ses qualités d’habitat et de ressources nourricières (lichen).
Ainsi les gorges du Cians ont perdues les deux espèces endémiques propres à ses roches du permien (pelites) à cause de l’important élargissement des clues (Macularia saintyvesi et Solatopupa cianensis).
Pour la Roya, deux des trois stations connues de Solatopupa psalorena ont disparues, une consécutive à un éboulement (Saorge) et une détruite par l’agrandissement de la route (La Brigue).»

Dans votre courrier, vous argumentez que vous ne pensez pas, au vu des documents que nous vous avons communiqué, que « l’augmentation du trafic routier qui risque de résulter du doublement du tunnel est susceptible d’avoir un impact significatif sur les sites Natura 2000 situés à proximité du tunnel de Tende ou traversés par la route départementale 6204 ».
Il nous semble au contraire que cette majoration n’est en rien éventuelle. L’analyse des rapports que nous vous avons présenté ci-dessus nous apparaît significative dans le sens que toute augmentation de trafic dans notre région très ensoleillée est productrice d’ozone, ozone elle-même néfaste pour la biodiversité et en particulier pour certaines des espèces prioritaires pour lesquelles les sites Natura 2000 ont été mis en place.
Vous dîtes dans votre courrier qu’il n’y a pas de site Natura 2000 sur le Col de Tende, mais la route attenante au tunnel traverse bien deux sites Natura 2000 et reste très proche des trois autres, notamment si l’on tient compte des mouvements des masses d’air qui transportent l’ozone vers les points les plus élevés. Le Mont Chajol n’est qu’à 4 kms à vol d’oiseau du Col de Tende.
Dans un contexte photochimique déjà si fragilisé, il nous apparaît clairement que l’évaluation d’incidences que nous demandons rentre complètement dans le cadre de la directive 92/43/CEE de la directive « Habitats ».
IX. Nous venons enfin de prendre connaissance du Bilan quadriennal du Service de l’observation et des statistiques (SOeS- ex IFEN) du Commissariat général
au développement durable (CGDD) du 7 juin 2010, qui pointe un mauvais état de la majorité des habitats Natura 2000 en France. Ce rapport précise que « Si l’état de l’environnement s’améliore en France en matière atmosphérique, le bilan reste préoccupant en particulier pour les sols, les eaux souterraines et la biodiversité »… « Concernant la biodiversité : parmi les 131 habitats naturels ou semi-naturels évalués entre 2001 et 2006 en France (mise en œuvre du réseau Natura 2000), une majorité d’habitats se trouvait dans un état de  »conservation mauvais ». »

Nous estimons que les sites Natura 2000 de la vallée de la Roya sont déjà frappés pour certaines des espèces et certains des habitats prioritaires d’un mauvais état de conservation à cause des facteurs exprimés ci-dessus. Il nous semble clair qu’il ne faudrait en aucun cas risquer d’aggraver les impacts déjà existants.

Nous espérons que ce nouveau courrier vous permettra de prendre en considération les nombreux problèmes liés au doublement du tunnel du Col de Tende, car les impacts ne seront pas uniquement localisés au Col de Tende comme vous avez l’air de le penser, mais bien également sur l’ensemble de la vallée de la Roya et donc sur les cinq sites Natura 2000 qui y sont répertoriés et qui subissent déjà l’impact photochimique des pollutions liées à la circulation routière.

Nous rappelons que le doublement du tunnel n’est de plus pas nécessaire au regard des normes de sécurité en vigueur. La loi précise en effet que ce n’est qu’à partir d’un taux moyen journalier annuel de 10.000 véhicules/jour qu’un doublement devient impératif, or nous en sommes encore loin même si les week-ends, les jours de vacances scolaires et de jours fériés italiens, nous dépassons les 10.000 véhicules/jour. Nous estimons, comme les 21 autres associations et fédérations d’associations françaises et italiennes qui ont signé la motion pétition jointe en annexe, que la réalisation de l’élargissement et de la mise aux normes du tunnel actuel comme prévus dans le second volet du projet de doublement du tunnel de Tende, permettraient largement de résoudre les problèmes de sécurité actuels. Il nous semble par ailleurs que seul le maintien de l’alternance des camions tel que pratiqué actuellement permettra dans le futur de contenir le flux incompressible de poids lourds qui n’attendent que l’amélioration du passage du Col de Tende pour tracer leur ligne droite nord sud sur l’axe E 74 entre les tunnels du Mont Blanc et du Fréjus et le Col du Mongevèvre, le nouvel axe autoroutier jusqu’à Cuneo, la voie express existante italienne Cuneo-Col de Tende sur la SS20, jusqu’à Vintimille.

Outre nos démarches auprès de vos services pour obtenir la mise en place d’une étude d’évaluation d’incidences avant tout démarrage des travaux, nous ne vous cachons pas que nous nous adressons également à toutes les instances concernées pour demander le réexamen de ce projet au vu des nouvelles contraintes liées à la prise en considération de la biodiversité et de l’écologie, ceci en collaboration avec 21 autres associations locales nationales et italiennes, dont France Nature Environnement. C’est la raison pour laquelle la section Provence Alpes Côte d’Azur de cette fédération, l’Union Régionale Vie et Nature, cosigne avec nous ce courrier.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur, l’assurance de notre meilleure considération.

Pour l’association REN, Pour l’association URVN,
Deux administrateurs. Un administrateur.

Pièces jointes :
– Brochure sur les impacts de l’ozone sur la végétation du Parc National du Mercantour
– Courrier des entomologistes Billi, Varenne et Tautel sur les papillons de la Haute-Roya

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